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Palombe et Tradition > Palombe et Tradition - N°12 - AUTOMNE 2006
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SOMMAIRE
6 LÉCHO DES CABANES
12 INTERNET - Virtualisez votre mal bleu
14 PORTRAIT - « Pacha », une palombe pas comme les autres
16 PALOMBE ET RUGBY - Casteljaloux : une ville, un club, deux passions
20 MIGRATION - Les secrets du grand voyage
24 Les arbres et la sécheresse
28 ELEVAGE - Lélevage du colombin
31 LES PRÉVISIONS DE PASSAGE 2006
35 INTERVIEW - M. Anchordoqui directeur du lycée agricole de Saint-Pée-sur-Nivelle
38 Quelques éléments de réflexion - Lorientation des oiseaux migrateurs
42 ESSAI - Le semi-automatique ORIO de F.LLI.PIETTA
46 Mon grand-père nous racontait
48 SOCIÉTÉ - Trop de cabanes vandalisées
52 ITALIE - Volantino : Un mot magique
54 ITALIE - A.N.C.P. et ZEFIRO 2006
57 LES RECETTES DU PALOUMAYRE
60 Adjudication des cabanes et des cols de Larrau
EDITO :
Une fois nest pas coutume, je laisse mon espace de parole à notre ami Pierre Garroté qui jen suis sûr en fera bon usage. Quant à moi jai encore beaucoup de travail à la palombière pour être prêt pour cette nouvelle campagne 2006, alors à toi Pierrot.
BEAUTE AVIAIRE
Dites à un paloumayre aquitain que la palombe est un pigeon ( aussi ramier soit-il ) toute lAquitaine éclatera de rire : ses chasseurs en palombières, depuis des siècles, ne font pas lamalgame. Le pigeon ( ramier ) est un oiseau du nord pris en grippe par les céréaliers dont il apprécie la productivité, classé nuisible à tort ou à raison et quon détruit comme un animal malfaisant tout en ne négligeant pas sa valeur marchande. Dans le Sud-Ouest, la palombe, nous commençons par la respecter, nous admirons sa beauté, nous laimons, nous la vénérons comme un symbole de liberté, de permanence sinon déternité : autant le pigeon prend plaisir à barioler son plumage autant celui de la palombe est toujours resté immuable. La palombe, nous ne la détruisons pas, nous la chassons : cest-à-dire que nous luttons avec elle en lui laissant ses chances. Nous ne prélevons que les oiseaux qui ont une petite cervelle et qui nont pas su tirer les leçons des expériences précédentes.
La beauté à elle seule serait un critère suffisant pour différencier la palombe du pigeon : cest une des qualités essentielles de la palombe qui réside dans son aspect, son comportement plein de mystères et son rôle essentiel dans la vie de lhomme.
> Son nom double est déjà étonnant. En Aquitaine, nous lappelons « palombe » : sans avoir la musicalité de loiseau-lyre ni les coloris du paradisier, ce nom a la profondeur de lazur, les reflets de la mer brodés décume blanche. Pourquoi lhomme du Nord la-t-il affublée dun nom aussi méprisable que « pigeon ramier » ? Certes, cest un colombidé mais qui pourrait confondre le pigeon domestique, prisonnier de ses barres noires sur les ailes avec cette boule bleue de duvet volant sertie dun collier dopale. Qui pourrait confondre le pigeon domestique esclave de lhomme avec loiseau sauvage aux antipodes de la soumission et de la domestication ? Pourquoi, en plus, mettre laccent sur cette particularité négative de son comportement : son inaptitude à bâtir un beau nid, puisquil faut appeler par ce nom cet amas de brindilles entassées sans soin.
Un autre mystère vient de limpossibilité de sexer loiseau à partir de signes extérieurs de son plumage. Mâle ou femelle ? Lhomme a cherché le secret du sexage à partir de luf, des ramereaux, de la grosseur du corps, des pattes, du bec, des plumes, etc. En vain. Toute méthode sest révélée faillible. Cest peut-être cette ignorance qui lui a donné un double genre : masculin et féminin. A lorigine, « columba palumbus » soulignait cette dualité : à quelques exceptions près, la terminaison « a » est la désinence du féminin, « us » celle du masculin. De quoi y perdre son latin.
La palombe, quoi quon dise, est belle dans son aspect extérieur : il nest rien de plus beau quun il de palombe qui croise une infime fraction de seconde le regard de lhomme ; il nest rien de plus beau quune palombe qui, la dernière dun vol, vire sur laile et le fait basculer vers le sol puis se pose, coquette, en ouvrant léventail des pennes de sa queue. Il nest rien de plus beau quune palombe inquiète qui penche sa tête à laffût du danger ou qui dandine son croupion en marchant sur le sol.
Mais lessentiel de sa beauté vient de ce quelle révèle lhomme à lui-même et en même temps le met à nu aux yeux des autres. Oiseau sublime, elle est le miroir de lhumanité. « Miroir, mon beau miroir ». Son il inquisiteur vous fera distinguer lhomme généreux, avare, gentil, viandard, inventif, observateur : elle est une clé du cur et de lesprit de lhomme.
Elle est oiseau-dîme qui nous raconte lhistoire de France depuis le temps de la féodalité. Alors quelle nétait que complément nutritif, gibier de subsistance, elle nous dit les rapports sociaux entre les manants, les bourgeois, le clergé et les seigneurs. Elle pouvait être objet de troc, paiement de locations, cadeau royal
Elle est oiseau-cime : déesse -culte du piémont basco-béarnais, « lursoa » est le souvenir nostalgique dun peuple qui avait en partie découvert le secret pour la faire descendre des sommets vers le bas des cols.
Elle est oiseau- mime : le paloumayre tire les ficelles des appelants, ces marionnettes vivantes dont le théâtre est la nature et incite les palombes libres à les imiter.
Elle est oiseau-frime : encore aujourdhui, certains se plaisent à parader devant un stock de palombes mortes, étalées au sol. Dautres sont sûrs de savoir tout sur la palombe, certains de détenir la Vérité qui nest en réalité que leur vérité. Dans toute une vie de chasse, le paloumayre à loccasion de voir tout et le contraire de tout.
Elle est oiseau-rime : elle met en évidence les défauts de quelques chasseurs viandards, égoïstes, mesquins mais aussi toute la sensibilité, le talent, le génie, de la plupart des autres. Elle enrichit dans chaque paloumayre son côté artiste qui a rarement loccasion de se développer ailleurs. Elle révèle même lélite des artistes qui poursuivent la chasse de la palombe chez eux. Le chasseur-poète la transforme en objet dart quil soit écrivain, rimailleur, peintre, chanteur, sculpteur, collectionneur ou rêveur. Et quel est le paloumayre qui ne lest pas ?
Lartiste forestier a le culte du poste et en sculpte les arbres comme ceux dun jardin anglais.
Lartiste grimpeur met tout son talent à grimper comme un félin aux arbres de son poste en prenant grand soin de larbre mais aussi de ses outils comme lébéniste ou le luthier.
Lartiste du dressage consacre toute sa passion à sélectionner ses appelants, à dresser ses volants, ses semi-volants et ses paletiers, à peaufiner lélevage gratifiant des palombes : il a toujours un grain de maïs au coin des lèvres et appelle les palombes par leur nom.
Lartiste de la chasse approfondit sans cesse les techniques de pose, toujours à la recherche du meilleur emplacement pour lappelant en fonction de la lumière, du vent, de la feuille de la lune Il a toujours le réflexe, dans un geste plein de regret, de caresser les plumes hérissées ou déchirées par les plombs du destin.
Lartiste du bricolage invente de nouvelles mécaniques, crée de petits trucs qui sont toujours les meilleurs ( avant la saison de la chasse ). Passionné de la lime et de lajustage, à partir du même principe, il peut créer mille différences.
Lartiste de la cuisine ne vient pas à la palombière pour chasser ; il prend ses congés pour tenir la queue de la poêle et réchauffer la convivialité dune équipe.
Enfin les artistes traditionnels éternisent la palombe dans une aquarelle, dans une sculpture, dans un poème, dans une pièce de musée, dans un site informatique.
Tous, ( chacun à sa manière, sûr de détenir la vérité de sa beauté ) jouent la palombe même lorsque palombière rime avec misère. Alors, plus que jamais, lorsque la rareté accentue la beauté, PEU rime avec JEU : jeux du ciel ou jeux du sol, jeu déchecs ou jeu de scènes, jeu de rôles ou jeu de mots
Dans sa passion démesurée, lhomme acquiert la beauté de son oiseau-fétiche: il finit par se faire palombe et roucoule.
Pierre GARROTÉ